Trop sexy pour ce mariage

L'auteur tient à s'excuser pour l'étrangeté de ce billet mais elle était sous anesthésie dentaire, et force est de constater qu'elle le supporte mal tant les effets secondaires sont hallucinatoires.

Franchement On n’y croyait plus. Al lui-même n’y croyait plus. Il me l’avait avoué par téléphone un soir de spleen Vodka-Xanax.  Je l’avais alors consolé en lui mettant la vérité sous les yeux. A son âge, être traîné devant monsieur l’Evêque par sa grande sœur veuve et divorcée sous les regards d'un parterre de vieux aristos déglingos, ce n’est pas non plus la vie rêvée de Lady Oscar.

J’ai ensuite remisé discrètement pour ne pas lui faire de peine le joli bibi acheté en prévision de la fête célébrant une union libre entre lui et la mère de son troisième enfant caché. A moins que cela ne soit le deuxième. Ou le cinquième. Je ne sais plus. Avec tous ces gosses semés ici et là, ma mémoire flanche. Mais Al déprimait toujours.

Pour qu’il ait un peu de compagnie, je lui avais offert la machine Heineken pour faire ses pressions soi-même à la maison. On s’était bien marré quand on l’avait essayé devant le match Le Havre – Monaco. Il me semble qu’il l’a toujours ma jolie machine ; elle est posée sur la cheminée entre le portrait en canevas de sa mère et une voiture Majorette un peu défoncée, reliques d'un passé pas toujours joyeux.

Parfois, pour qu’il ne sombre pas dans la mélancolie, je le sortais un peu mon ami Al. A la montagne (il aime bien faire de la luge). A la campagne (il aime bien regarder « L’amour est dans le pré »). Aux Maldives (il aime bien faire son richousse). A Miami, on a même fait le tour des chirurgiens du cheveu pour lui donner un boost capillaire. Finalement, on a abandonné l’idée sous la pression de Benoît XVI. Si on avait su, on ne l’aurait pas amené ce rabat-joie qui passait son temps à nous coller en djellaba.

Avec sista Steph’, on a organisé une soirée Cirque rien que pour lui. Juste pour le faire rire. Y’avait tout le monde, Bozo le clown, Mimi M. la Girafe naine, Roâ le lion dangereux, Bobby le caniche funambule, Nico Sarko en distributeur de cacahuètes (chose qu’il a parfaitement assuré),… Al n’a pas trop aimé, cela lui a trop rappelé son quotidien.

Et puis, il eut Charlène. Une beauté athlétique et ravageuse avec des épaules de nageuses est-allemande. Le genre de fille à qui l’on peut confier sans problème le transport des moellons sur un chantier. Alors certes, ce n'est pas avec elle que l'on joue à chat-bite tous les jours, mais de voir une grande gaillarde comme ça qui en plus sait nager, ça lui a donné confiance à Al, il s'est dit "Avec Charlie, la solitude c'est fini !".

Ainsi  le 2 juillet, Al et Charlie vont se dire oui pour la vie (ou du moins ce qui lui en reste à Al, parce qu'il n'est plus tout jeune). Et même si ce mariage n’est pas THE mariage du siècle – Will et Kate ont mis la barre super haute -, il devrait faire son petit effet dans Point de Vue, Images du monde.

Al ne m'a pas oublié malgré le bonheur retrouvé. Pour me remercier de l’avoir aidé à traverser ses longs moments de solitude, il m’a convié à la cérémonie. Typographie à l’anglaise (le repiquage du nom craint un peu mais bon), blason doré, jolie photo d'accompagnement avec le couple parfaitement assorti dans les tons de bleu, timbre à l’effigie du Prince Albert…  Rien ne dépasse, tout est propre.

Mais je crois bien que je ne vais pas y aller à ce mariage. Je suis bien trop sexy pour me mêler à des aristos déglingos, Nico Sarko, des chirurgiens capillaires, P. Daddy via Skype depuis les Maldives, le fantôme de Grâce de Monac’et une machine Heineken Et puis, pour peu qu'il soit invité, on va me le coller à table le Benoît XVI. Donc non, définitivement non.