"Les mirages sont des avions" par Alaindé
Tout allait bien quand la terre était plate. En ce temps, on pouvait reculer la limite des eaux amères et au-delà de ce gouffre où s’arrête la compréhension. Aujourd’hui, terre ronde, très haut
débit…et les indiens qui font du cinéma, les chercheurs d’or qui ont des comptes en Suisse. La vie n’a jamais été aussi plate que depuis que la terre est ronde.
Il n’y a pas 36 solutions, il faut changer de dimension.
L’hypothèse de la courbure (Einstein, etc.) de l’univers rassure mon angoisse (qu’y a-t-il après ?). Il n’y a pas d’après car il n’y a pas de début ; il n’y a pas de point central mais
seulement des points de vue.
Cette courbure est donc la fracture salvatrice. L’espoir dans une autre dimension, l’aventure reste possible. Mais son terrain, son territoire n’appartient pas au monde physique.
Cette courbure est donc la fracture salvatrice. L’espoir dans une autre dimension, l’aventure reste possible. Mais son terrain, son territoire n’appartient pas au monde physique.
L’ennui c’est que pour autant, le monde des équations et des chiffres de l’univers scientifique respire l’ennui, sue la mort. Toutes ces histoires d’entropie n’empêchent pas qu’il va bien falloir
mourir : la dimension de l’aventure, son territoire reste donc celui de l’oubli. Oubli que je meurs. Oubli de la haine, la politique, le pouvoir et tout ce fatras de banalités. La dimension
de l’aventure. Je la rencontre dans ce qu’il me reste, adulte rassis, d’enfantillages. Les adultes regardent avec une stupeur un peu rancunière ces enfants qui ne savent pas qu’ils vont mourir.
Ils oublient, ces adultes, qu’ils pourraient eux aussi encore un peu regarder ailleurs, à l’intérieur.
Le printemps avait été tiède, gras. On avait rarement vu autant de plénitude dans la pousse des herbes, dans l’éclatement des feuillages. L’enfant avait trouvé un bout de bois qui faisait une
épée convenable. Il était à la tête de cette armée des herbes poussées, cette myriade de soldats disponibles et beaux. Il s’était désigné en ennemi unique, l’espèce des orties qui, à cet endroit
du monde, ne poussait pas mal non plus. Avec son épée, il fustigeait, comme on dit dans les beaux livres, les orties. Le vent de mai faisait trembler d’émotion toute son armée complice. Au
crépuscule de la lumière, il ne restait pas beaucoup d’orties debout, l’enfant décida d’étreindre son armée en s’y roulant dans cette humidité frémissante.
C’était l’aventure. C’est l’aventure, le mariage transfiguré des mondes intérieurs et du monde réel. Deux mois plus tard, un été écrasant vint, les herbes sèches, la craquelure du sol asphyxié.
En cet instant torride, l’enfant oubliait son armée, regardait au loin sur le goudron des routes la vibration de l’air. Il s’inventa un océan. De nos jours, le bon sens appelle ça un mirage.
C’est idiot. Tous les enfants savent bien que les mirages sont des avions.
Il y aura toujours quelque part sur cette boule des caresses qui font perler le sang sur la peau des choses.
Mais qui est Alaindé?
Dans l’agence où exerce BiTouBi, il occupe le poste de Directeur de Création. D’après le grand publicitaire Philippe Michel « Dieu lui-même n’aurait pas osé s’appeler comme ça ».