R.I.P. à l'absent
Il est de ces êtres qui vous entourent tous les jours de leur présence si discrète qu’à la fin vous ne vous apercevez même plus qu’ils sont là. Un peu comme s’ils faisaient partis des meubles. Et puis un jour, ils décident de vous quitter, de partir vers cet ailleurs dont on ne sait s’il existe et s’il est aussi magique que la croyance nous le décrit. C’est certainement à ce moment précis que l’on se rend compte que la place qu’il s’était créé était tout sauf insignifiante. Mais loin de laisser place aux larmes, se sont les meilleurs souvenirs qui reviennent en mémoire et c’est avec le sourire aux lèvres que l’on accompagne cet autre vers sa destination finale.
Boubounet est de ceux-là. Il a rempli mon existence de petits riens. De tas de petits riens.
Il aimait de moquer mon ivresse et pourtant regardait toujours la tête un peu trop penchée vers ma bouteille de Bailey’s lui qui ne buvait que de l’eau.
On papotait toujours comme de vieilles copines. Je lui contais le dernier véliplanchiste aperçu à La Baule que je mettrais bien dans mon lit alors que lui se rêvait une belle plante, quelles que soient ses origines ou sa couleur.
Par moment, on parlait sérieux. Il adorait professer sur l’aménagement du territoire. Et moi, comme je n’y comprends rien, je lui disais en rigolant que le seul aménagement possible pour lui était de le délocaliser du salon pour la cuisine et vice-versa. Bienheureux que l’on ait plus de deux pièces pour vivre.
Certains ont la phobie du vide, de la foule, des araignées, du tonnerre, de l’avion. Il existe même des phobiques de la bicyclette. Lui avait une peur viscérale de la chimiothérapie. Le bougre était un brin coquet et craignait de perdre ses feuilles s’il lui arrivait pareil traitement. C’est pourtant sans chimie qu’il m’a quitté. Il aurait peut-être dû, qui sait ?
On se racontait ce que l’on aurait aimé faire dans la vie si on l’avait prise un brin en main. Moi et mes envies de rentière, lui de faire de l’humanitaire végétal. Il avait cette obsession de vouloir éliminer de la planète les pandas qui, d’après lui, provoqueraient un jour ou l’autre la perte des grandes bambouseraies. Il était étrange parfois.
Ce qu’il aimait le plus : écouter la musique. Il râlait un peu quand je mettais Britney Spears à fond, il préférait Deep Forest même si c’était passé de mode. Finalement, il avait un côté vieux jeu bien qu’il soit plus jeune que moi.
Il était un peu casanier. Il ne bougeait jamais sauf quand je le remuais un peu. Par sadisme. Surtout par amitié. On ne laisse pas ses amis prendre racine et s’enterrer dans une terre trop (en)gluante. C’est pas bon pour le moral.
Il est désormais ailleurs et pourtant son corps repose toujours depuis deux semaines dans ma cuisine. Sans cri ni sang. Juste un peu d’eau qui sert de formol de substitution. C’est étrange de te voir encore là. Mort et réel.
Adieu Boubounet ; tu fus mon meilleur bambou (en même temps, j’en ai eu qu’un !).